un concert, mendelson, jandek, quelques à-côtés

banniere_mendelson-940x240c’était un soir de printemps, frileux et pluvieux à souhait, le jeudi 23 mai 2013, dans un festival, la Villette Sonique, un lieu, le Cabaret Sauvage

Trop de volume, pas assez de son. Les basses des baffles te renvoient à ta place. Pourtant tu étais prêt à tout braver, de très près et plein centre, le doigt sur l’écran. Mais chaque murmure est un affreux ronflement. Fi de l’intimité susurrante de la voix. Alors tu regagnes les bas côtés, un peu de côté, la verticalité hésitante, en tanguant sur des marches dérobées. L’ambiance est studieuse. On étudie la bête à plusieurs têtes, les oreilles en dévotion. Toi, tu rejoins les arrières, quelque part entre la régie et la buvette, « chère » buvette. Là, la stéréo est moins agressive et on peut mieux voir la marche tribale des deux batteurs. Au centre, il y a toujours Pascal, en tenue de super-héros, une pastille « pile » sur le t-shirt, entre le gosier et les tripes, pour se donner du courage. Les morceaux sont plus courts mais plus habillés. Les mots, on ne les entend pas tous mais toujours, la voix, avec sa logorrhée, ses faux airs de nonchalance, son roulis rythmé. Sur « une seconde vie », c’est le fantôme inquiet de Françoise Lebrun qui semble s’inviter, une jumelle, âme un peu sœur, déjà entendue en d’autres temps et en bonne compagnie. Je vois et j’entends Charlie O. Je ne verrais Pierre-Yves que lors de l’entrechat final, tant sa guitare, tapie en fond de scène, se confond avec celle de Pascal ou bien l’inverse. C’était donc un beau concert à ce détail près, ce son en forme de patates concassées. Pourquoi sonoriser (éternel grief) une jolie petite salle comme la soute d’un maousse paquebot? Exigence du groupe? de l’ingé son? ‘sais pas. Reste que, malgré la frustration de trop et de ne pas assez entendre, les titres et les musiciens étaient bien là, et le plaisir un peu… quand même quand même.

Ouïe donc, il y a des soirées comme ça où on ne peut pas s’empêcher de marcher dans les flaques. Ça avait commencé un peu plus tôt avec un mauvais libanais qui sert tout à l’envers de ce que tu as commandé, qui t’amène le pain dans un sachet plastique à peine entrouvert, et manque de te jeter dehors, 19ieme ou pas, quand tu règles le compte juste par CB, pas un nénième de cents en plus. Ça continue hard parce que – bien-sûr – le pichet de trop t’as fait rater la majeure partie du set de Jandek. Ça tu le regrettes sans trop vu l’appareillage improbable de musicos concocté pour la circonstance. Une batterie et une guitare un peu trop énergiques, qui sonnent vaguement, honnêtement dirons-nous, post-kraut-quelques-choses et surtout, une voix, sacrilège, française et féminine. Jandek est côté cours, un peu sideman retiré sur le bord de l’affiche. Déçu par l’effacement, certainement volontaire, et surtout, par l’image autant sonore que visuelle, qui ne colle pas à celle, pour partie fantasmée, que je m’étais fabriquée. Le mystère, m’en suis brossé un portrait un peu plus angulaire, sur la foi des pochettes de ses disques, grises ou délavées, et du peu déjà entendu : un espèce de folk-rock, décharné, caverneux, à la conduite incertaine.

Peine à jouir, moi? C’était de circonstance, non? Il faut dire que je m’étais préparé, tantôt, en m’enfilant en boucle les trois ogres du dernier Mendelson. Le mal était bien fait. En cette fin de soirée et fin de parenthèses, une fois sucé mon dernier fond de cocktail, j’avais le poil épais. Survint alors une annonce curieuse : on fermait la sortie de devant, alors pour éviter l’humiliation de sortir à reculons, moi et le poto, on a pris les devants. Sur le chemin, tandis qu’on gondolait sous et sur la passerelle dans une marche irraisonnée vers la station de métro, j’ai perdu la moitié de ma semelle bâillante. Et lui me racontait comment il s’était saigné le doigt en voulant gober une huître et comment, durant deux longues heures, il avait fini par reteindre le siège plastique lavasse d’une salle d’urgences débordée. Mais pour finir, une belle infirmière bretonne lui avait rappelé, malgré sa misère, combien il était né pour aimer les femmes.

petit correctif en forme d’amende honorable : c’est Emmanuelle Parrenin et ses ouailles, Vincent Mougel et Dr. Schönberg, qui prêtaient mains fortes à Jandek ce soir-là. Le fait que Jandek se produise sur scène était déjà un petit miracle en soi. Il faut donc rendre grâce à tous ceux et celles qui ont œuvré à cela, en premier lieu les musiciens qui se sont lancés, corps et lacets, dans l’aventure scénique…


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